Il y a quelques semaines, nous avons accueilli dans nos bureaux à Gênes (Italie) Natalina Isella, qui arrive de Bukavu, en République démocratique du Congo, où elle est notre responsable de projet pour le centre Ek’abana. Nous y accueillons principalement des jeunes filles, mais également des jeunes garçons, en situation difficile. Nous nous sommes confrontés avec elle et lui avons posé quelques questions.
Le Foyer Ek’abana, où nous travaillons depuis 2016, a été fondé en 2002 à Bukavu, une zone urbaine de la région des Grands Lacs. À l’époque, Natalina Isella, qui travaillait avec d’autres femmes sur l’alphabétisation, notamment celle des filles, s’impliquait également pour aider les filles qui vivaient dans la rue. En effet, à la suite d’événements tragiques ayant affecté leurs familles (décès, maladies), de nombreuses jeunes filles étaient accusées de sorcellerie et éloignées de chez elles, ce qui les amenait à vivre dans la rue.
Natalina s’est immédiatement mobilisée pour leur garantir un lieu où pouvoir vivre, et c’est ainsi qu’est né le Foyer Ek’abana, qui depuis a déjà accueilli environ 980 jeunes filles.
D’où viennent les enfants que le Foyer accueille aujourd’hui ?
Au fil des ans, de nombreuses situations d’urgence ont touché les enfants.
Aujourd’hui encore, 60 % des résidents d’Ek’abana sont des jeunes filles accusées de sorcellerie (une pratique illégale mais malheureusement toujours très répandue), tandis que les 40 % restants sont des enfants abandonnés par leurs parents ou dont personne ne peut s’occuper. Ils nous sont confiés par le tribunal.
Quelles sont les relations avec les familles de ces enfants, lorsqu’elles existent ?
Certains parents nous amènent leurs enfants parce qu’ils vivent dans une extrême pauvreté. Par exemple, des mères célibataires nous confient leur fils ou leur fille pendant un certain temps afin qu’elles aient une chance de sortir la tête de l’eau. Parfois, nous leur accordons un petit crédit afin qu’elles puissent se mettre en activité pour devenir économiquement autonomes avant de récupérer leur enfant. Dans d’autres cas, il s’agit de femmes souffrant de maladies mentales, qui sont donc incapables de s’occuper de leurs enfants. Dans tous les cas, le contact avec la famille d’origine est maintenu par des rencontres régulières et parfois, lorsque cette dernière est à nouveau en mesure de l’accueillir, l’enfant est réintégré dans sa famille.
Quelle est la journée type des enfants au centre Ek’abana ?
Les jeunes filles qui vivent au centre se lèvent tôt, vers 5h30/6h. Chacune a sa propre tâche pour aider à faire fonctionner « la maison ». Les plus âgées servent de points de repère et d’aide aux plus jeunes. Après le petit-déjeuner, les filles partent pour l’école. Cela prend généralement quarante minutes à une heure de marche. Certaines vont à l’école, d’autres, celles qui ont pris du retard dans leurs études, vont dans des centres scolaires spécialisés. Les plus jeunes, en revanche, restent au centre où nous les suivons jusqu’à l’école maternelle.
Une fois l’école terminée, l’après-midi, les activités sont nombreuses : on tisse des sacs, on apprend à cuisiner, on fait du bricolage, on joue à des jeux collectifs, ou on étudie.
Peux-tu nous parler des derniers enfants accueillis et d’une histoire qui t’a particulièrement touchée ?
Rien qu’au cours des six derniers mois, trois enfants dont on ne connaît pas l’origine sont arrivés. Dans certains cas, lorsque les enfants sont capables de parler et grâce aux informations qu’ils nous fournissent, nous diffusons des messages à la radio pour retrouver leurs parents. Une petite fille nous a raconté que sa mère vendait des ceintures au marché. Quelques mois plus tard et après plusieurs tentatives, nous avons réussi à la ramener à sa mère, qui ne se pardonnait pas d’avoir perdu sa fille. Ce fut un moment très émouvant pour nous, mais chaque enfant a sa propre histoire et même si souvent ils ne peuvent pas nous parler de leur passé, ils commencent une nouvelle vie avec nous.
Merci Natalina pour tout ce que tu fais et pour nous avoir transmis ton témoignage aujourd’hui !